Futur Proche - Chapitre 5

"C'est déjà grand savoir que s'orienter dans le dédale de ses ignorances." (Pierre Dehaye)

Le ton de ma chef pouvait varier, mais son bureau avait toujours la même ambiance froide d'entrepôt desaffecté.

_Vous est-il déjà arrivé de vous posez des questions, Bourad ?
_A chaque fois que vous me convoquez sur un ton sympathique !
_Je m’inquiète pour vous, Sofian, vous savez…
_Pour mon état mental, vous voulez dire ?
_Votre ami qui s’est fait descendre, savez vous comment ses assassins l’ont achevé ? Savez-vous qu’il a été torturé ? Savez vous que son répertoire a été retrouvé avec la page « S » manquante et que vous étiez son seul véritable ami ?
_Je sais tout ça, oui !
_C'est faux, vous ne savez pas qu'ils l'ont décapité !
Je n'avais effectivement pas voulu qu'on m'explique sur le coup et j'aurais bien continuer à l'ignorer.
_Vous savez aussi que rien n’a été volé chez lui.
Bref, elle se doutait bien que j'en savais plus que ce que je prétendais...
_Et vous ne vous posez pas de questions ?
_Si vous étiez un peu plus perspicace, vous vous douteriez qu’en fait, je ne me pose plus de questions !
Elle me laissa de la place dans la conversation
_Et que cela signifie que j’ai plus d’informations que vous sur la question.
_Je vous connais, Bourad, et croyez-moi, je ne vous laisserai pas faire de cette affaire une affaire personnelle ! C’est bien trop dangereux pour vous !
_Non, vous ne me connaissez pas, Clémence. Sinon vous sauriez qu’on ne peut pas m’empêcher de régler une affaire personnelle. Quant au fait que ce soit trop dangereux, un proverbe chinois dit que le danger n'existe pas pour celui qui ne craint pas la mort, je ferais avec ça.

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Mais je n’avais pas que ça à faire. Je pris donc congé de ma commissaire adorée en m’excusant mille fois, ce n’est pas que je m’ennuie, mais j’ai quelque chose sur le feu, etc…
Je me dirigeai ensuite vers le bureau de Salem, le maître des identités, c’est lui qui s’occupait des casiers. Si quelqu’un avait un jour été fiché par la police, que ce soit un dealer ou un tueur, que ce soit en France ou au Mexique, par la NSA ou la gendarmerie nationale, Salem était obligatoirement au courant. Avec son ordinateur, il était capable de connaître la liste des délits commis entre le onze et le douze mars 1952 dans la région du Jura, si bien sûr cela était nécessaire.

J’arrive donc dans le bureau de Salem. Si on peut appeler ça un bureau. La première fois que la commissaire était entrée, elle avait cru qu’il s'était fait cambrioler. Le désordre était tel à cet endroit que je m'était toujours demandé comment il pouvait s'y retrouver. Des livres trainaient par terre, mélangés avec des pièces d’ordinateur. Des câbles formaient une sorte de toile d'araignée juste derrière son écran.

Je lui donne le numéro de la plaque d’immatriculation relevée sur la Limousine. Au bout de trente secondes à peine, il me regarde comme si je venais de prouver que la Terre était cubique et me dit : «Si c’est toi qui as relevé ce numéro, permet moi de te dire que t’es dans une sacrée Merde.» (quand je vous disais que c'était une merde à majuscule)

La Limousine en question appartenait à un certain Denice Gianelli, surnommé « Denis la Malice » (je pourrai enfin donner un nom à mon italien). C’était un tueur qui avait travaillé de nombreuses années pour des hommes très haut placés dans la Mafia italienne et qui maintenant était censé travailler à son compte. Moi je savais grâce aux documents laissés par mon ami qu’il travaillait pour un certain Abdel Bouzalfa, que ce type était le beau-père de ma nouvelle copine, et qu’il était certainement un des hommes les plus importants dans le milieu du crime à l'heure actuelle. Tout cela méritait un peu de repos pour réfléchir…