Futur Proche - Chapitre 3

"Le propre du téléphone, c'est de sonner à l'improviste." (Robert Soulières)

J’avais rencontré Stéphane à l’âge de neuf ans, il m’avait appris à voler les voitures et je lui avais appris à se procurer une arme et à s’en servir. Il s’était rendu compte à treize qu'aimer les gens pouvait faire mal et il était devenu rastafari. Bien que je pense comme vous qu’il n’y ai aucun rapport, il m’a toujours affirmé le contraire. Il enquêtait quand il avait cinq ans pour savoir qui avait piqué les bonbons d’untel ou la petite voiture d’untel (Untel n’avait vraiment pas de chance à cette époque là). Il avait la vérité dans le sang et je me demandais s'il en était réellement mort. Peu avant ses 13 ans son père s'était suicidé, il avait cherché à comprendre pourquoi et avait fini, après maintes investigations, par tuer le chef d’un réseau de racket. Une balle dans la tête, comme je le lui avais appris. Je suppose qu'il voulait être sûr de pas rater celui là car il avait ensuite tué tous les hommes du réseau, sans prendre énormément de précaution. Mon pote avait été capable de tuer de sang froid quatre hommes à la hache, trois au fusil à pompe, un à la tronçonneuse et six étranglés ! Il laissait sur chacun d’eux une carte où était inscrit en lettres d’or sur fond noir : «S. T. Seule la vérité vivra». Chargé de ses quinze meurtres, il s’était lancé sous un faux nom dans le journalisme et publiait deux ou trois articles par an. Certainement les meilleurs du pays. En tous cas, ça allait faire un sacré trou dans la presse nationale.

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La première chose à laquelle je pensai fut cette voix italienne (ou espagnole) qui me disait : «T’as fini ta crise, merdeux ? » Et comme à toute action il y a une réaction, je me mis à faire des pompes pour calmer la colère qui montait en moi. Puis je me dit que quelqu’un de normal aurait sans doute pleuré à ma place, mais je ne suis pas quelqu’un de normal. Pourtant, la certitude de la mort de mon ami était de plus en plus intense, et j’aurais vraiment aimé pleurer.

Quand le téléphone sonna, j’étais en train de me remémorer les moments magiques ou horribles que j’avais passés avec mon ami, enfin je me rongeais les dents sur mon canapé en attendant qu'il se passe quelque chose qui m'aurait aidé à comprendre. Je décrochai en m’attendant à tomber sur la voix du très certainement musclé et nerveux italiol (ou espagnien !). Je me trompais…
_Police judiciaire, bonjour ! (Décidément, mon téléphone était mal fréquenté ces temps-ci...) Je suis bien chez Monsieur Sofian Bourad ?
_Malheureusement !
_Je vais être franc, inspecteur, je ne vous appelle pas pour une bonne nouvelle.
_ (Je vais être franc aussi) Ça m’aurait étonné.
L'agent qui m'appelle n'a aucune idée du fait que Stéphane m'ait contacté dernièrement, je le sens tout de suite.
_Votre ami Stéphane Torrent, journaliste (je sais) recherché pour quinze meurtres (je sais aussi) a été retrouvé assassiné ce matin à sept heures et demie (lui qui n’aimait pas se lever tôt) dans un appartement acheté sous un faux nom. Son bras gauche a été arraché au niveau de l’épaule par une balle de calibre onze millimètres. Il s'est vidé de son sang et il était déjà trop tard quand son corps a été retrouvé. Toutes mes condoléances, inspecteur.

C’est à ce moment précis que j'ai su que j’allais tuer des hommes et qu'au moins l'un d'eux était italien. Il n’y a qu’en Italie qu’on trouve du onze millimètres.